Augmentation du coût des matières premières, renchérissement du transport et du prix de l’énergie dû à la guerre en Ukraine… Plusieurs facteurs favorisent en ce moment l’amplification de la baisse de la disponibilité de différents médicaments dans les pharmacies. Les chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament préviennent que les génériques pourraient subir cette accentuation.
Les patients sont confrontés depuis des semaines à une disette de nombreux médicaments dans les pharmacies. Également remarqué par les professionnels de la filière, ce problème est bien parti pour persister.
Un rapport du groupement d’intérêt économique (GIE) Gers, fondé par les acteurs tricolores du marché, témoigne de l’amplification du phénomène. L’organisation a découvert qu’à la mi-août 2022, une rupture d’approvisionnement a touché 12,5 % des références de médicaments. En janvier dernier, seulement 6,5 % d’entre eux ont été concernés par un tel incident. Un contexte tendu que le secteur de la pharmacie en France semble pourtant avoir déjà expérimenté dans le passé.
La solution durable à la pénurie se trouve dans la souveraineté sanitaire
Selon le directeur des affaires scientifiques aux Leem (Entreprises du médicament), Thomas Borel, la France connaît depuis des années :
[…] Une problématique d’ajustement de l’offre et de la demande qui ne fait que croître sur le plan international. D’autant que la demande augmente de 6 % tous les ans.
Le tarif des médicaments demeure faible dans le pays et il est rigoureusement réglementé par l’État. L’équation apparaît comme très difficile. À tel point que beaucoup de laboratoires tricolores commercialisent leurs produits à un prix inférieur à leur coût de fabrication. Thomas Borel confie que les ventes à perte touchent surtout :
Les médicaments matures dont les […] prix sont devenus très bas.
Pour résoudre ce problème, le président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France, Philippe Besset, estime nécessaire de :
Relocaliser les industries pharmaceutiques en Europe.
Le but étant d’arriver à la souveraineté sur le plan de la santé. Pour l’organisation patronale, ce combat s’est soldé sur un triomphe. La fabrication de paracétamol sera bientôt rapatriée en Isère. Le responsable suggère ensuite d’enlever l’article 31 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023. Il regrette que l’Exécutif prévoie d’instaurer des appels d’offres sur certains médicaments pour réaliser des économies. Philippe Besset détaille que le laboratoire le plus abordable les gagnera et sera l’unique à être remboursé. Il alarme que ce modèle empirerait la pénurie.
Cette intensification affecterait notamment les consultants en portage salarial. À noter que ces professionnels bénéficient du régime général de la protection sociale. Ceci en contrepartie de cotisations retenues sur leurs salaires. Des prélèvements à bien différencier des frais de gestion en portage salarial.
Une rupture de stock risque de toucher des MITM
L’ ANSM ou Agence nationale de la sécurité du médicament a présenté le 21 septembre 2022 son rapport d’activité de l’an passé. Ses données corroborent la tendance annoncée par le GIE Gers. En 2021, 2 160 médicaments ont été déclarés à risque de rupture ou en rupture de stock. Au cours des trois années précédentes, l’on a dénombré :
- 2 446 signalements en 2020 ;
- 1 504 signalements en 2019 ;
- 871 signalements en 2018.
Une flambée s’est donc produite à compter de 2020. Elle découle cependant du fait d’une politique menée par l’ANSM. L’organisme encourage les laboratoires à rapporter les pénuries ou risques de pénurie le plus préalablement possible afin de durcir :
Les sanctions financières pour les laboratoires ne respectant pas leurs obligations en la matière.
Cette année, le risque de pénurie plane sur les médicaments génériques. Le syndicat européen regroupant leurs fabricants, Medecine for Europe, a répandu cette crainte dans un communiqué du 27 septembre 2022. Cependant, ces produits ne sont pas les seuls sous la menace d’une rupture d’approvisionnement. L’ANSM a indiqué que les médicaments les plus exposés portent sur ceux dits d’intérêt thérapeutique majeur (MITM).
Ces derniers renvoient aux anticancéreux, aux anti-infectieux et aux médicaments traitant des maladies liées au système nerveux. Des produits dont les alternatives se révèlent rares, voire inexistantes, contrairement à plusieurs médicaments pour les petits soucis journaliers. Pourtant, trois mois sont nécessaires pour réapprovisionner une référence en pénurie, dévoile Thomas Borel.
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